I'm talking Amelia Earhart, Neko Case or Frida Kahlo

Publié le par Le libraire se cache

Allez, il est l'heure, il est temps, c'est la rentrée si j'en crois les 32 cartons que nous avons traités aujourd'hui et le fait que je vais devoir remettre des pantalons (enfin, je vais pas bosser en caleçon hein, juste en bermuda pour avoir l'impression que c'est encore un peu l'été), reprenons nos bonnes habitudes aléatoires. (suis un peu fatigué par cette journée de rangement, j'aurais mis un ! Sinon).

 

C'est assez rigolo car l'article qui m'a été consacré dans Telerama il y a pile 8 ans (quasiment au jour près, je crois) faisait partie d'une page spéciale 'blogs internet', et j'y étais chroniqué en même temps que celle de Pénélope Bagieu (même que j'ai eu une meilleure note, d'abord). Bon, certes, nos carrières publiques, dira-t-on, ont pris des trajectoires diamétralement opposées (c'est ma seule apparition dans un média de grande écoute en tant que libraire, alors que je soupçonne Pénélope d'avoir été un peu plus présente de ci de là. Faudra que je me renseigne).

 

J'ai appris à apprécier son travail, en tout cas (et à m'agacer de certaines autrices peu inspirées qui ont tenté de la copier), et surtout le fait qu'elle ne s'est pas enfermée dans un genre. Et quand je vois le nombre de bds que l'on reçoit en ce moment sur des femmes « rebelles » ayant marqué l'Histoire, je me dis qu'elle continue d'ouvrir des portes éditoriales (le monde de l'édition adore les effets de mode, d'où l'importance de continuer d'évoluer pour ne pas se retrouver à l'arrière du wagon).

 

Toujours est-il que je suis très heureux d'avoir eu l'occasion de poser ces questions à Pénélope Bagieu, qui a eu la gentillesse de me répondre entre deux apparitions publiques et sollicitations diverses.

 

Moi je trouve que cette rentrée commence bien.

J'ai un peu hâte de voir la suite.

Ca va être chouette.

Vous êtes tous invités.

 

 

Une commerciale, récemment, m'a parlé de toi en disant "c'est l'artiste bd en France qui a le plus de followers sur Twitter". Elle n'avait aucune idée de ce que c'était, mais visiblement c'était un argument à mettre en avant. On fait un peu plus attention à ce qu'on dit, dans ces cas là ? C'est pas aussi la preuve que les blogs c'est complètement dépassé ?


La merveilleuse Mirion Malle récemment se désolait de voir les blogs BD disparaître au profit des réseaux sociaux, pas tant parce que c'était mieux avant, mais surtout parce que lesdits réseaux, mine de rien, imposent un format. Quand sur un blog BD, les auteurs jouaient sur le défilement d'écran, le rythme, les petites animations à l'intérieur, les images immenses pleines de petits détails, maintenant ils pensent format carré qui passera mieux sur instagram. En ce sens ça a vraiment appauvri le contenu, ou du moins ça l'a beaucoup limité. C'était un labo qu'on contrôlait à 100%, des liens dans la sidebar au header, c'était vraiment nos petites maisons. Mais au final, moi par exemple je ne suis plus jamais devant un ordi, je ne regarde des images quasiment que sur mon téléphone, donc de toute façon instagram s'y prête mieux, je m'y suis faite. Je ne suis pas spécialement nostalgique des blogs (du mien, en tout cas), qui m'ont permis de découvrir et essayer plein de trucs, mais dont je pense qu'en dix ans j'avais un peu fait le tour. Je me suis mise à instagram il y a un an, car j'aime avoir toujours un temps d'avance dans tout ce que je fais. Tout le monde me disait qu'il fallait vraiment que j'investisse cet espace parce qu'aujourd'hui il n'y a plus que comme ça qu'on montre son travail. Mais bas les masques, je n'ai aucun usage professionnel des réseaux sociaux. Je poste beaucoup de photos de néons très beaux, de postures de yoga et de choses que je mange, c'est un vrai plus dans ma vie. Mais je reste une grande fidèle de twitter parce que j'adore rager.

 

Les médias (et les libraires, allez) adorent tout mettre dans des cases. Comment on fait pour ne surtout pas se retrouver enfermée dans la case girly (oui je sais, le terme fait grincer les dents) et sortir du sable mouvant du moule dans lequel on veut te mettre ? Car pour être honnête, autant Joséphine c'est pas mon truc, mais tout ce qui a suivi après est très diversifié, même graphiquement. Alors qu'il pourrait être tentant de reproduire la même recette à l'infini (il faut dire que tu ouvres des portes et d'autres se chargent de reproduire les recettes)


Disons que c'est un des (nombreux) gros avantages d'avoir commencé par un succès commercial (ce dont je me réjouis) : Du coup j'ai tout de suite eu la liberté financière (disons, moins le couteau sous la gorge que 99% des auteurs de BD) de pouvoir me poser la question de "qu'est-ce que j'ai envie de faire, comme livre" et, finalement, jamais "qu'est-ce qui marcherait bien". J'avais une petite ardoise créditeuse qui faisait que je pouvais faire une, peut-être même deux BD d'affilée qui ne marchent pas du tout, ou pas assez, sans qu'on me retire mes crayons et qu'on me ferme la porte au nez. Et comme en plus, pendant quand même pas mal de temps, je vivais de l'illustration, la vente de mes BD était certes un enjeu mais pas un enjeu vital pour payer mon loyer par exemple. Alors j'ai pu dire non poliment à plein de trucs qu'on me proposait et qui ne me faisaient pas du tout envie, et plutôt essayer de tenter des trucs qui m'effrayaient un peu mais où je n'avais pas grand chose à perdre (à part du temps et de l'amour propre), genre une grosse BD au crayon à papier par exemple. On ne se retrouve enfermée dans aucune case quand on a la liberté d'essayer des choses. Et qu'on a un éditeur qui nous encourage dans cette voie là, évidemment. 

 

T'es ultra sollicitée, j'imagine, car tu fais partie des quelques auteurs très reconnus et suivis. Comment on fait le tri, dans tout ça ? Est ce qu'il t'arrive de répondre que oui enfin non, faut pas m'inviter moi mais plutôt unetelle et que non, tu n'as pas le téléphone de Riad Sattouf ?


Bon ben déjà, n'habitant plus en France, c'est impossible techniquement pour moi d'être présente à la majorité des endroits où on me propose de venir. Et pour le reste, j'ai enfin compris qu'on pouvait se faire un job à plein temps uniquement avec les interventions, les rencontres, les festivals, les animations et les interviews, mais qu'en fait dans l'idéal ce n'est pas comme ça qu'il faut que je fasse si je veux mettre moins de dix ans à faire un livre, donc j'essaie de me recentrer un peu. Mais par exemple, pour les Culottées, entre les rencontres scolaires et les traductions à l'étranger, j'ai passé presque deux ans à voyager pour faire de la promo, même si le mot est mal choisi parce que ça fait corvée et sourires forcés, alors que c'était génial, que j'avais conscience de ma chance et que j'ai adoré le faire. C'est comme tout, mon brave monsieur, on fait au feeling.

 

La dernière fois que j'y suis allé, c'était en 1989, donc j'imagine que les choses ont un poil changé, mais il est comment, le paysage librairies (en général et comics en particulier) du côté de New York ? Et c'est pas un peu bizarre d'aller là bas pour écrire un livre qui s'appelle California Dreamin' ?


Alors le paysage des librairies à New York est en réanimation, et en dehors des grandes villes, aux Etats Unis je dirais qu'on a déjà prononcé l'heure du décès. Je sais que c'est facile de toujours pointer du doigt le Grand Méchant, mais alors ici, vraiment, le livre ne s'achète que sur Amazon. Quand j'ai fait la tournée de promotion des Culottées, je ne suis allée que dans des grosses librairies indépendantes de plein d'états, et il y a une vraie résistance qui s'organise, une communauté de gens qui font vivre le livre au travers de plein d'événements, et ça marche bien. Mais elles sont vraiment très rares, les librairies. C'est peut-être même encore plus dur ici parce qu'il n'y a pour le coup aucune loi qui protège le livre ou son prix. Et c'est d'ailleurs peut-être pour ça que le gros acteur de l'édition américaine, en fait c'est le réseau des bibliothécaires. Ils ont une influence énorme et sont vraiment bichonnés par les éditeurs, c'est un rôle très spécial dans la vie d'un livre. En fait c'est peut-être ce qui m'a le plus fascinée dans cette petite parenthèse américaine, c'est observer cette chaîne du livre tellement différente, de la façon de bosser avec l'éditeur à la promo en passant par l'accueil en librairie, les conventions. C'était passionnant.

 

Est-ce que, comme Gad Elmaleh, ton but c'est de faire carrière aux US et d'être invitée chez David Letterman ?


À choisir je préfèrerais aller chez Ellen.

 

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Maintenant, les libraires s'accordent deux mois de vacances comme les profs... quels veinards ! quand les jeunes et le monde me fatigueront trop à l'affront, j'ouvrirai ma propre librairie. Et je ferai une réécriture des Oiseaux se cachent pour mourir avec un libraire dans le rôle du Cardinal de Bricassart !
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