I fought the law (Lang) and the law won
Un jour que vous vous ennuyez particulièrement, faites une expérience.
Pour cette dernière, il vous faut un libraire sous la main et ma foi, c'est à peu près tout.
Puis, entre la choucroute et le cassoulet, vous lui glissez à l'oreille, comme ça, l'air de rien, que tiens, au fait, l'autre jour, en faisant mes courses, j'ai vu * nommez n'importe quelle nouveauté de moins de 3 mois * vendue 10% moins cher que dans ta librairie.
Et observez.
Vous allez voir, c'est saisissant, mais un conseil, prévoyez des protections corporelles (et des boules Quies. Qui n'empêchent pas d'entendre, mais j'aime bien écrire le mot Quies).
Car s'il est bien un sujet auquel le libraire est attaché, c'est celui du prix unique du livre, aussi connu sous le nom de Loi Lang de 1981. J'ai passé de nombreuses heures en tout à expliquer à mes divers apprenti.e.s et stagiaires ce qu'était la Loi Lang, et évidemment aucun n'avait entendu ce nom avant. Pauvre Jack.
- Tu vois qui c'est, Jack Lang ?
- …
- Ministre de la culture sous Mitterrand ?
- …
- Tu vois qui c'est, Mitterrand ?
- …
- Heu, la fête de la musique, tout ça ?
- …
Bon, peut-être aussi que ce que je raconte n'est pas bien palpitant, il ne faut pas leur en vouloir plus que ça.
Cette Loi, donc, ignorée par 80% des Français (c'est une vraie stat, mais j'ai pas retrouvé la source. Peut-être que c'était 70%) dit en gros que le livre est vendu au même prix partout, avec une remise max autorisée de 5% pour les particuliers et 9% pour les collectivités. Donc oui non les livres ne sont pas moins chers à la Fnac. Ils l'étaient dans les années 70 (c'est pas pour rien que cette loi est apparue), de l'ordre de 20% de moins que chez le libraire du coin, mais plus aujourd'hui. Et ça concernait surtout les dictionnaires ou les best-sellers (les gens achètent encore des dictionnaires aujourd'hui?). D'ailleurs c'est généralement ce qu'il se passe là où il n'y a pas de prix unique : les prix augmentent pour tout ce qui ne fait pas partie des 1% de best-sellers.
C'est une Loi qui nous sauve, nous autres libraires, c'est une certitude. Certains trouveront que quand même, c'est pas bien pratique de ne pas pouvoir fixer le prix que l'on veut pour augmenter les marges (qui sont les plus faibles de tout commerce de détail), mais même les libraires les plus fermés et bourrus de 'pas de ça chez nous' ont besoin de quelques locomotives pour du chiffre d'affaires bienvenu.
Mais ça m'amusera toujours de voir l'énergie qui peut être déployée par mes confrères pour se plaindre de moyens subtils de contournements de la Loi.
Untel qui offre une prime alors qu'il a pas le droit : IL CONTOURNE !
Untel qui offre les frais de port : CONTOURNEMENT !
Untel qui fait des soldes sur son site de titres sortis du catalogue : CONTOURNEMENT ! ENFIN PEUT-ETRE ! BON D'ACCORD NON MAIS QUAND MEME CA SE FAIT PAS !
D'ailleurs, quand un.e libraire s'octroie une remise supérieure à 5% (ce que nous faisons tous), puf, il.elle est hors la loi. Un.e vrai.e vandale. Chaud.
A noter qu'un libraire peut solder des livres qu'il a depuis plus de 6 mois en stock sans l'avoir vendu et qui sont parus depuis plus de 2 ans. Il le fait rarement, car un rabais de -25 à -30% sur un livre dont personne ne veut ne va pas changer sa condition de livre dont personne ne veut, et en plus car il suffit de le renvoyer au diffuseur pour être remboursés. C'est quand même se prendre la tête pour pas grand chose.
Ah oui, une autre expérience à tenter. Répétez après moi :
-
Bonjour, vous faites pas le Black Friday ?
Prévoyez au moins une après-midi de libre, le discours risque de durer.