Sowing the seeds of love

Publié le par Le libraire se cache

Je vais enfoncer de la grande porte ouverte, mais percer dans le monde de la bd c’est difficile. Eh oui. Être libraire ça va, suffit d’avoir de l’argent et de pas se poser n’importe où entre une Fnac et un Cultura (quoique…). Devenir dessinateur ou dessinatrice pro, là c’est de l’autre paire de manche. Il faut du travail, beaucoup de travail, tout plein d’abnégation et surtout, de la chance. On sous-estime souvent la chance. Elle se provoque (moi par exemple j’ai plein de chance, mais tâchons de ne pas oublier que je suis aussi très chouette et que je mérite tout ce qui m’arrive), mais il faut savoir aller de rencontre en rencontre et frapper aux bonnes portes jusqu’à ce que quelqu’un ouvre. C’est fastidieux.

Encore plus quand on est européen et qu’on veut percer dans le monde du comics américain.

Encore plus quand on est européenne.

 

Je suis assez admiratif du parcours de Marguerite Sauvage (zut, j’aurais dû lui demander s’il s’agit d’un pseudo. Dans les deux cas c’est la classe. The class, comme ils disent les ricains), d’autant plus que j’aime beaucoup la notion de cover-artist. Notion qui a du mal à passer dans la bd franco-belge.

 

Bref, je suis très heureux qu’elle ait pris le temps de répondre à mes questions, car on sait tous comment c’est, les deadlines, par là-bas !

 

En France, on n'a pas du tout cette culture de la cover. L'album à  l'intérieur doit refléter un minimum la promesse de la couverture, sinon le lecteur le repose de suite. C'est une des raisons pour lesquelles tu as commencé avec les Américains, ou c'est juste une question d'opportunités ? Tu sens un changement à ce niveau là ?

 

Cette culture de la cover fait que les éditeurs font appel aussi à des illustrateurs qui ne font pas particulièrement de pages (car c'est vraiment deux exercices très différents) ce que j'étais à l'origine. Si je sens un changement au niveau français ou au niveau américains ? Je dirais peut être un peu les deux, tout dépend du message qu'on veut envoyer sur le livre. Généralement la licence permet une pluralité d'artistes que le creator owned (comme l'album franco-belge) limite, mais le statut de collaborateur "invité" sur un titre tend à se développer.

 

Ca fait du bien de voir une héroïne, Faith, qui ne véhicule pas tous les clichés du genre. Et de genre. Le milieu de la Bd est réputé pour être assez sexiste (des choses changent, mais bon...). C'est aussi le cas aux US, ou est-ce-que tu as constaté de vraies différences ?

 

J'ai constaté qu'aux US ils étaient plus en avance que nous sur ce sujet. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de sexisme, de réaction ou de discrimination, mais clairement le bodypositive ou la volonté d'être interethnique le plus possible vient plutôt de chez eux. 

 

C'est quoi le plus prestigieux pour toi : de l'Ignatz, de l'Eisner, de l'Angoulême, qu'on te demande de faire le character design du prochain SpiderVerse? Tu rêves de quelque chose de tout fou en particulier ?

 

J'aurais adoré faire un Barbarella (sequel, prequel, ou autre), d'ailleurs c'est Dynamite qui a les droits maintenant, un éditeur américain. SpiderVerse définitivement, quelle claque graphique ce film ! Et qui dirait non à un prix prestigieux ?

 

Panini n'a pas du tout réussi son lancement Valiant, là où Bliss s'en sort plutôt pas mal du tout. Sans rentrer dans des comparaisons de "panini c'est moins bien", tu penses qu'il etait trop tot et qu'il fallait que le public comics mûrisse un peu, qu'il sorte de la logique Marvel/DC ?

 

Alors là franchement je n'en ai aucune idée, mais je remarque que la culture BD est de plus en plus cosmopolite, les lecteurs ont des bibliothèques où les livres ont des provenances plus variées, comics, mangas, BD, romans graphiques, etc, et tant mieux. 

 

Ce sont quoi les différences majeures que tu observes entre une dédicace aux US et une séance en France ?

 

Aux états unis on considère l'artiste comme le chef de sa petite entreprise, qu'il est en tant que freelance/profession libérale. Donc si on veut de lui un dessin ou un print/poster et bien on paie ce service, comme on paierait le pain au chocolat chez le boulanger. En France on a encore tendance a penser qu'un dessin c'est enfantin et que la gratuité est due, et peu savent que les artistes ne touchent quasiment rien sur la vente de leurs albums de nos jours. C'est vrai qu'en considérant la précarité des auteurs le système américain me semble être une des pistes pour permettre à certains de vivre de leurs talents.

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