crapaud et blanche colombe

Publié le par Le libraire en question

Tiens, c’est le printemps déjà.

Ça m’arrange, je suis pas un grand fan de l’hiver, de la neige, du verglas et des journées sans ciel bleu (par contre j’aime beaucoup mon chiffre d’affaire qui double en Décembre et l’effervescence qui y est associée).

En tout cas, c’est la seule explication que je trouve au fait que là bas, dans le fond, y’a deux adolescents qui s’emballent comme s’il n’y avait pas de lendemain (ils ont pas encore appris en philo que le soleil se lève forcément tous les jours. A moins que ce ne soit le contraire. Faut vite que je tape cette note avant demain alors du coup). Ça fait slurp de partout et j’espère quand même qu’ils ont suffisamment d’expérience et qu’ils vont pas laisser couler un filet de bave sur mes mangas d’occasion.

Quand je me sens un peu vieux et dépassé, j’aime bien dire « de mon temps ». De mon temps, donc, jamais je ne me serais abaissé à avaler la bouche de ma compagne du moment au milieu de livres plus chouettes les uns que les autres. Il y a des priorités dans la vie, quand même. Si encore ils me demandaient les clefs de la réserve (ce serait non), je comprendrais, mais là à vrai dire ça me dépasse. Ou alors ils sont tous les deux recherchés par les autorités (ou alors leurs familles sont pas d’accord ou que sais-je. Bref, un truc un minimum romantique) et se sont donnés rendez vous ici pour être tranquilles, mais ça m’étonnerait : elle a un sac eastpack rose avec une Pucca cousue dessus, et sur le sien c’est Korn écrit au tipp-ex. On est aux limites de la rébellion, mais elle me semble canalisée.

Mon aigreur ayant des limites, je les laisse faire, qu’ils en profitent, ça durera pas de toute façon cette passion dévorante. Ah non tiens finalement mon aigreur est bien présente, ouf (attention, ceci est de l’autodérision, je ne suis aucunement aigri. Je sais qu’il n’y a que la vérité qui blesse, mais je ne supporte pas qu’on me traite d’aigri, alors que je ne suis que joie de vivre incandescente et nuage de marshmallow).

Quand j’en ai un peu assez des bruits de succion, je vais les voir et leur demande innocemment si je peux les renseigner (c’est la phrase magique. Celle qui fait reposer un livre dans la seconde, notamment, très pratique). Elle rougit, il retire la main posée sur la fesse de cette dernière, ils bredouillent un « non non, on regarde » (avec les yeux fermés, ils vont pas aller très loin).

« ah ok très bien, vous pouvez reprendre votre conversation, n’hésitez pas à me demander s’il vous faut quelque chose »

Ils sont partis dans le froid, je leur ai imposé mon automne alors qu’ils étaient au printemps, et ils n’ont pas pensé à me demander les clefs.

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A
C'est qu'elle est accueillante, cette réserve !
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C
rien à faire des bd et des mangas... dois être trop vieille mais j'adore vos chroniques... MDR avec celle là, entre autres... vais devenir une lectrice assidue
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L
Jaloux.
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C
Oui, très jolie la dernière phrase.... quel poète !
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L
<br /> vi, j'ai raté ma vocation<br /> je me demande si ca paie plus, le metier de poète?<br /> <br /> <br />
L
J'admire aussi la diplomatie :-)<br /> <br /> et j'aime particulièrement la dernière phrase, si poétique..
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