Et le phacochère sauta la barrière
De toute évidence je ne suis pas tombé sur un bavard. C’est pas plus mal, j’aime pas trop faire la causette forcée, mais ce qui me gêne déjà plus, c’est qu’il ne m’a pas l’air bien curieux.
Le problème avec les stagiaires, c’est qu’ils ont tendance à me choisir moi plus que je ne les choisis eux. J’ai pas mal de demandes (c’est que j’ai un métier qui fait rêver. Bon, il fait rarement rêver la jeune blonde pulpeuse qui traverse la rue (toujours dans le mauvais sens), mais par contre le jeune là-bas qui fouille dans les Love Hina, il y pense tous les jours), et j’ai tendance à accepter en fonction de la date demandée, sur une base du premier arrivé, premier servi, tant qu’il/elle a une tête qui me revient à peu près. L’aspirant stagiaire est un peu comme un chiot derrière sa cage qui a bien compris qu’il suffit de lécher le bout du nez du pauvre bougre (ou bougresse) qui le tient dans ses bras pour que l’affaire soit pliée, hop, où sont les papiers que je l’adopte de suite ? Attention, mon conseil n’est pas à prendre à la lettre, mieux vaut éviter de franchir le comptoir pour me lécher le nez, je le prends toujours très mal, sauf très très rares circonstances. Résultat, on se retrouve avec un machin qui pisse partout et qui aboie la nuit quand un papillon passe, et on est même pas sûr que ça s’arrangera avec l’âge adulte. Et de toute façon on peut pas l’abandonner pour ses 18 ans, lui.
Donc pour l’instant il reste dans son coin, ne pose aucune question. J’essaie de lui tendre des perches pour qu’il rebondisse, mais il faut croire qu’elles ne sont pas assez élastiquement caoutchouteuses, car il préfère rester sur son sol bien dur et lire des mangas là-bas dans le coin. Je le laisse lire, tant que son boulot est fait (ranger et noter les occaz, ranger le réassort etc.).
Boulet 03 rentre dans la boutique alors même que je cherchais un stratagème pour me débarrasser du stagiaire pendant l’heure de déjeuner (j’ai besoin de calme, c’est important pour la digestion). Il est allé droit vers le stagiaire. Lui a demandé s’il était nouveau (dans la boutique, j’imagine, pas sur Terre. Ce serait bizarre, comme question), et par je ne sais quel miracle, la communication est passée. Visiblement, leurs codes concordent, ils se comprennent, ils rient et échangent.
Et moi pendant ce temps là, je peux tourner la manivelle et bosser tranquillement. C’est un miracle. Je sens qu’il va m’être d’une grande utilité, finalement, là-bas dans son coin mangas.