en attendant Godot et Dutronc
Samedi 6 Septembre, 18h30
Le plus long, le samedi, c’est la dernière demi-heure. La semaine se termine ainsi que le marathon commercial que représente le premier samedi du mois. Si les entreprises faisaient un peu dans l’originalité et versaient les salaires à un peu n’importe quel moment du mois, ce serait un bordel sans nom, certes, mais au moins les samedis seraient équitablement proportionnés.
Tout ça pour dire que ma journée fut chargée, y compris en émotion puisque j’ai retrouvé mes chers clients de retour de vacances (« dis donc t’es pas bien bronzé toi, on sent que t’es pas sorti de la librairie »), et qu’il est temps qu’elle se termine.
Généralement, soit j’ai une horde de clients qui débarque et je me retrouve à fermer à 19h30 (au lieu de 19h, je précise), soit y’a personne et je me retrouve à regarder l’heure toutes les 3 secondes en attendant la délivrance.
C’est ce moment que choisit mon copain imbibé du mois dernier pour faire son apparition. Il me redemande si je connais Boucq (au moins cette fois-ci je sais ce dont il parle) et m’explique que ce matin son frère a reçu une carte du Portugal où il était question des FFL et FFI, puis il s’est mis à fredonner l’Opportuniste, de Dutronc, en me demandant si je connais. J’ai poliment répondu oui oui, en espérant que c’était la bonne réponse ainsi que le mot de passe pour qu’il sorte de la boutique.
Ce qu’il a eu l’air de faire. Mais soudain il se retourne pour s’adresser à moi (de toute façon suis tout seul, ça simplifie les choses) :
_ Au fait, c’est moi qui ai piqué les affiches par terre
_ Ah ? (il devait parler des silhouettes cartonnées)
_ Oui, suis végétalien, ce qui fait que je n’ai pas d’os.
_ Ca doit pas être très pratique
_ C’est comme ça que j’ai pu passer ma main sous la porte pour les prendre. Je voulais être honnête avec toi et me dénoncer.
_ Eh bien j’apprécie le geste, merci, je vous pardonne
Puis il s’en fut.
Je me demande l’effet que ça fait de ne pas avoir d’os.