Le lapin vous va si bien
Ça ne s’est pas forcément vu, sinon que le facteur n’est pas passé, mais samedi c’était férié. Mais moi, monstre de travail, de sang, de larmes et de sueur que je suis, j’ai ouvert la boutique et attendu les clients de pied ferme (qui sont venus, rassurez-vous. La vie ne s’arrête pas à la porte du cimetière).
Bon ok, il pleuvait, ma chaudière fut en rade pendant 24 heures et j’avais la motivation d’un lapin angora sur le point de se faire tondre (il ne faut pas tondre un lapin angora, d’ailleurs, il faut l’épiler, c’est une question de longueur de poil), mais j’ai vaincu, malgré mon aversion pour les jours fériés.
Car voyez-vous (j’ai décidé de prendre mes lecteurs à parti, aujourd’hui, histoire de, que ça fasse réunion autour d’un goûter avec du Brossard et des Granolas), les jours fériés ont une odeur et une présence particulière. Un je ne sais quoi qui sent un peu la mort, en fait, pour être précis. Beaucoup de clients de passage qui font leur promenade dominicale un jour avant, histoire de pas s’ennuyer à mourir dans le salon après un repas trop lourd, et très peu de clients réguliers, qui de toute façon tentent de se sevrer dans ces moments là (s’ils commencent à me fréquenter un jour férié, alors ils savent qu’ils ont un sérieux problème et qu’ils ne peuvent pas se passer de moi. A moins que ce ne soit de leur dose de livres, mais bon, ça m’étonnerait).
L’ambiance est étrange, le temps s’écoule très lentement, je vends pas mal de babioles et de para-bd, je réponds à des questions plus ou moins saugrenues (« vous avez des cartes de voyance ? »), et je fais la causette tant bien que mal. J’ai l’impression d’être le seul commerce ouvert, qu’il fait nuit dès 16h et que tout le monde a décidé de venir faire sécher son parapluie sur mon beau carrelage déjà assez sale comme ça.
« Des bonbons ou un sort ! »
ça, c’est un môme, sorti de nulle part, déguisé en Harry Potter (j’aurais dit ‘sorcière’, si ce n’était pour la marque sur le front. Ou alors il était vraiment déguisé en sorcière, après tout chacun son truc, et la marque était de naissance, mais j’y crois pas trop)
« Mais Halloween c’était hier, et aux Etats-Unis mon lapin »
« Non c’est sur deux jours, vous avez des bonbons monsieur ? »
Son sac était pathétiquement vide, j’imagine qu’il a eu une rude journée à se faire rembarrer d’un peu partout, que personne ne lui a expliqué qu’en France on s’en fiche d’Halloween et qu’il vaut mieux tout miser sur Noël, plutôt, ça c’est une valeur sûre.
Je l’inviterai à nos réunions, au moins il connaîtra le bonheur d’un goûter avec granolas à volonté.