Dernier bilan avant l'apocalypse
A vrai dire, j’étais parti pour toute une diatribe inspirée avec trempage de ma plume dans ma pensée outrée par tant d’injustice, prenant pour cible la morosité ambiante tout en exhortant mes fidèles lecteurs (coucou) à courir soutenir leur libraire local pour peu qu’il/elle soit sympa, souriant et compétent (surtout compétent, le reste ça se travaille), car tout va mal, nous perdons du terrain, les chiffres parlent d’eux-mêmes, nous allons tout mourir, Beigbeder l’a dit, c’est la fin du roman, la fin du livre, la fin des librairies, la fin de tout, entre ce qu’on envoie dans le ciel, la fin des saisons et l’arrivée du livre numérique comme un ouragan monégasque balayant tout sur son passage, comment voulez-vous qu’on reste optimiste ?
Si on ajoute à ça la paupérisation des auteurs qui touchent de moins en moins d’à-valoir sur des tirages de plus en plus faibles, des éditeurs qui ne comprennent pas pourquoi diable ils vendent moins de livres par titre sous prétexte qu’ils en sortent 15 fois plus alors que le marché ne fait que doubler (j’ai jamais été doué en maths, mais visiblement je ne suis pas le seul, ça me rassure) et qui du coup ont moins de patience par auteur (qui avaient qu’à trouver un vrai métier et écouter leur mère) et des libraires qui se contentent de faire des piles de livres en priant très fort pour qu’elles diminuent toutes seules sans que ça implique un minimum de gestion et de bon sens marketing, alors oui, c’est officiel, c’est la fin de tout, sortons les parapluies, il va pleuvoir des grenouilles.
Sauf que moi, aujourd’hui, j’ai passé une bonne chouette journée à la Ice Cube, et je vous remercie d’ailleurs de vous en inquiéter. J’ai pas bossé, le vent frais de la fin de l’été balayait tant bien que mal ce qu’il me reste de cheveux et le soleil mettait merveilleusement en valeur mon teint hâlé d’estivant débarqué au milieu de ce chaos de rentrée scolaire (c’est d’ailleurs dans ces moments là que je suis très très très heureux d’être spécialisé Bd. Je garde le nombre de marmots illettrés pénibles à un minimum ainsi que leurs parents anxieusement hystériques qui se demandent ce qu’ils vont bien pouvoir faire s’ils ne trouvent pas Le rouge et le noir pour demain. Remarquez que chez Soleil (toujours eux), ils ont sorti une magnifique collection de mangas qui a la particularité de rétrécir de manière significative quelques chefs-d’œuvre de la littérature tout en leur apportant une particularité singulière que je qualifierais de très moche. Ainsi A la recherche du temps perdu est résumé en 300 pages, Marcel ressemblant à la mascotte du Monopoly et Swann à un autre moustachu sympa. Guerre et Paix peut quant à lui visiblement être résumé avec des images en 150 pages, c’est dire si c’est pas franchement la peine de s’emmerder à en lire les 2 000 pages du roman et encore moins les 4 à 5 heures du film. On pensait avoir touché le fond de la fainéantise aculturelle avec la collection Profil, que chacun s’empressait de recopier d’ailleurs (l’ancêtre de wikipédia), nous voilà grattant encore un peu plus profondément sous terre avec ces mangas. Mais comme j’ai décidé d’être optimiste, on va dire que si ça se trouve ça va donner envie aux « lecteurs » de découvrir les œuvres originales. Si ça se trouve).
Bref, le vent, le soleil, un très bon taboulé, des allées dégagées pour mon caddie, des granolas, des Mr Freeze en promo (je crois que mes préférés sont les bleus, mais j’hésite encore), tout pour que la journée soit parfaite.
Et là, vous voyez venir à des kilomètres la chute, le coup dur, l’obstacle sur la route pavée de bonnes intentions. Sauf que bah non. J’ai même réussi à dire de nouveau du mal d’un éditeur qui ne m’a pourtant rien fait sous couvert de dire du bien de plein d’autres choses.
Conclusion : courrez soutenir votre libraire, il vous le rendra bien et vous offrira peut-être des granolas si vous n’achetez pas n’importe quoi.