Donjons et Cockers
Ces derniers jours flottait dans l’air comme un air de ridicule ambiant, un air de allez, tout le monde se déguise, c’est ni halloween ni la japan expo mais on s’en fiche, on ne vit qu’une fois, autant se faire remarquer individuellement.
Ça a commencé par ce couple d’octogénaires, je dirais (ou de septuagénaires qui ont pris un coup de vieux), qui est passé devant la boutique en route pour le restaurant Italien à côté. On sentait le rituel de la sortie du samedi, lui habillé comme un dandy aux couleurs flashy (mi dandy mi zazou en fait), et elle habillée comme si elle se rendait chez Gatsby et que la thématique du jour était le jaune. Le jaune poussin. Un jaune poussin qui ne porterait pas de sous-vêtements, d’ailleurs. Et autant je trouve ça chouette comme tout qu’un couple de cet âge se tienne la main après avoir passé la matinée à se pomponner, battant le trottoir comme s’il s’agissait d’un tapis rouge, autant j’aurais aimé ne pas voir sa robe trop courte remontant le haut de sa cuisse bien portante et révélant….bon disons que ça en révélait beaucoup trop, et passons à l’image suivante.
Un jeune homme, passablement imbibé en ce vendredi soir qui beugle des ‘Alleeeeeez Paris !’ plus ou moins inspirés tout en tentant d’avancer droit. Il est déguisé en supporter de base, à savoir jean’s, pull et chaussures quelconques mais surtout, surtout, l’écharpe du PSG autour du cou. Je n’arrive toujours pas à comprendre à quel moment un être humain a pu se dire que ces écharpes étaient une bonne idée, mais pourquoi pas, au moins ça tient chaud et ça permet d’avoir quelque chose à brandir dans le stade quand on s’ennuie et qu’on a déjà chanté la Marseillaise cinquante fois. Je l’entends braire un ‘Paris est magique !’ une dernière fois avant de s’évanouir dans la nuit et probablement en vrai aussi.
L’autre jour, un client me demande ce que j’ai comme figurines Star Wars (La guerre des étoiles, pour les moins cools d’entre vous). Je cherche à savoir quel genre il recherche, quels personnages, et là il retrousse sa manche droite, avec une fierté à peine contrôlée et me montre un tatouage tout frais :
- Je viens de me faire tatouer le logo de l’alliance rebelle, alors je pense que tu vois
En fait non, je vois super pas, mais je souris quand même, je voudrais surtout pas qu’il se rende compte que j’ai jamais réussi à voir l’épisode III, par exemple, ou que pour moi les Ewoks ne m’évoquent qu’une chanson de Dorothée. Enfin là on est au-delà du simple déguisement de princesse Léia lors d’un rassemblement sur les Champs-Élysées, ou d’une simple princesse dans un château fort qui sent la chèvre (j’avoue porter un certain regard moqueur sur les rôlistes de tous bords et les fans de médiéval, j’ai vraiment jamais compris, mais c’est sûrement parce que je suis un vieux con rabat-joie (mais bon, quand même, soyons sérieux deux minutes, j’veux dire bon, vraiment, des rassemblements médiévaux ? Je sais bien qu’à l’époque les ânes circulaient librement, mais ça suffit pas à titiller ma fibre nostalgique des temps révolus)).
Et moi je ne suis pas en reste, moi aussi je sais faire le guignol déguisé qui veut fuir la dure réalité du quotidien tout gris. Bon en vrai mon quotidien est tout orangé avec des pointes de rose dedans, mais je peux faire un effort pour mes clients, pour les égayer, et pour ça, cette semaine, j’ai reçu des oreilles de Bill. Oui, de Boule & Bill. Elles sont parfaites. Je pense que tous les libraires de France ont eu comme réflexe de les porter, puis de se sentir ridicule, d’avoir un sourire forcé et de les reposer. Sauf les stagiaires et apprentis qui ont été forcés de les porter avec pour objectif de vendre cinquante exemplaires du cinquantième album de Boule et Bill (leurs N’Os d’or, comme ils disent. Hilarant).
Je les ai portées toute la journée de Samedi, histoire de. Alors bien entendu, j’ai eu droit aux quolibets habituels des fans de Bds mal dans leur peau, mais c’est les ragots des jaloux (‘et quoiqu’on en dise nous on s’amusait beaucoup’), et les femmes de France furent subjuguées par tant de classe.
D’autant plus que, comme je suis nul en déguisements, je les ai portées à l’envers. Comme un crétin. Au lieu de mettre le bandeau autour de la tête, façon Hendrix et Herrero, je l’ai attaché sous mon menton, façon casque de chantier. J’ai tout de même fait illusion tout en passant pour un rebelle, c’est ce qui compte. Mais en vrai, c’est simplement que je ne suis pas très intelligent. Oui je sais, je cache bien mon jeu.
Bien alors ces derniers jours j’ai lu :
La source chaude (McGuane) : excellent roman court qui retranscrit parfaitement l’ambiance midwest.
Ville Noire Ville Blanche (Price) : suis un inconditionnel de The Wire, donc j’étais content de retrouver ce genre d’ambiance (Price a participé à l’écriture de certains épisodes), même si bon, les personnages manquent de profondeur, en fait.
Speed (Burroughs Jr) : dans la droite lignée d’un Easton Ellis, œuvre de jeunesse autour de la drogue dans les années 60s.
The man in the high castle (Dick) : ouais, il est fort de Dick, y’a pas à dire. Vraiment beaucoup aimé
Là j’ai commencé L’ombre du vent qui est…bon…voyons…ouais c’est sympa quoi, mais je vois pas bien tout l’engouement autour, j’ai lu au moins dix livres bien plus prenants et intéressants dans le même genre.
Ah, et j’en profite pour revenir sur Seul le silence, dont les 300 premières pages sont excellentes, mais après franchement c’est complètement n’importe quoi. Dommage.