Tic tact tic tac

Publié le par Le libraire en question

Ça m’a frappé d’un coup d’un seul tout à l’heure : nous sommes en 2010. Ce qui veut donc dire que dix ans ont passé depuis l’an 2 000. Tant de déductions font mal au crâne, je sais, c’est vertigineux.

 

Faisons donc un bon en arrière de dix ans, projetons-nous dans ma vie de l’époque, je suis sûr que vous êtes tous curieux de savoir ce à quoi rêvait un futur libraire de 22 ans, ses aspirations, ses doutes, sa situation maritale, était-il aussi beau et fringant au début de l’âge adulte et surtout, avait-il tous ses cheveux ? Parce que bon, c’est sympa de parler de la librairie, des clients et des cartons à longueur de billets, mais c’est un blog ici, cornegidouille, il serait temps que je parle un peu de moi et de ma vie (bon ok, que j’en parle encore plus), la postérité elle va pas se faire toute seule. Pour ceux (nombreux et je ne vous en veux pas) qui n’en ont rien à carrer et qui au contraire profitent de ces lignes pour apprendre le métier de libraire (les naïfs), je ne peux que leur conseiller d’aller plutôt se préparer un chocolat chaud et de sauter ces lignes.

 

Il y a dix ans, donc, en 2000, je pestais contre les JT qui annonçaient le début du nouveau millénaire alors que non, tas de buses, c’est pas parce que c’est un chiffre tout rond tout beau que c’est le début d’un millénaire. Même moi qui étais (et suis toujours plus que jamais) une nullité en maths, j’étais capable de le comprendre facilement. Mais bon, de toute façon Gillot-Pétré est mort le 31 décembre 1999 alors vous pensez bien que tout ça n’avait plus aucune espèce d’importance. D’autant plus que la faucheuse et les asticots ont aussi fait leur boulot en 2000 : Big Pun (oui bon ok, plus personne ne se souvient de Big Pun, si ce n’est l’industrie bovine), Charles M Schulz (sniff), Will, Vittorio Gassman, Walter Matthau, Carl Barks (re-sniff), Zatopek, et surtout, surtout Lolo Ferrari et Garcimore, couple improbable dans l’au-delà.

 

Et moi, qui n’étais pas encore célèbre, je faisais mon petit bout de chemin. Oh j’étais jeune et insolent (bon en fait non pas trop, sauf un jour en cours de dessin, quand j’avais 13 ans, mais c’est comme ‘the noodle incident’, je préfère ne jamais en parler), j’avais survécu à la tempête du 26 décembre, j’étais invincible. Même la fac n’avait pas eu raison de moi, j’y terminais ma quatrième année et ma maitrise (parce que bon, en soi c’est pas très compliqué d’y rester quatre ans, le tout c’est de réussir à avancer), je fonçais droit vers un Bac + 5 à la con, droit vers une carrière dans le commerce international, mais heureusement je fus sauvé de ces eaux navrantes : j’ai décroché un stage dans une start-up. Car oui, 2000 c’était aussi l’année des start-up, les investisseurs se ramassaient à la pelle (et les souvenirs et regrets n’allaient pas tarder), on allait de tour de table en tour de table, woohoo c’est la fête, on fait tous du roller en costard et on roule en coupé jaune, le monde est à nous, il suffit de sauter sur la bulle.

 

Autant vous dire que ça n’a pas duré, 80% des start-up ont plié sous le poids des réalités économiques et moi avec, mais c’était pour le meilleur, je vous raconterai peut-être un jour mon parcours fascinant de glandeur royal. Mais tout ça pour dire qu’avant d’être libraire, j’avais un vrai travail, un travail qui impliquait des réunions le lundi, un travail avec une secrétaire, des bloc-notes, des stylos quatre couleurs (bon ça j’ai toujours, faut pas non plus déconner), l’utilisation de plus d’une fonction d’Excel, de la gestion de personnel non loutresque, un travail pendant lequel j’étais beaucoup plus souvent assis que debout, un travail dans lequel les seules lectures étaient des magazines professionnels pas très sexy et des classeurs remplis de documents pour le moins austères, mais aux trous parfaitement alignés (il est important d’aligner les trous). Un travail avec un vrai gros salaire en francs et pendant lequel on pouvait discuter sur msn et télécharger sur Napster. En plus, cerise sur le gâteau du paf, pendant les pauses café on pouvait éviter les conversations insipides à propos de l’émission de télé-réalité du moment pour la simple et bonne raison que ça n’existait pas encore.

 

‘Fin bon, je vais pas faire un cours imbibé de nostalgie facile, c’est pas le but. Le but c’est plutôt de se rendre compte que bigre, dix ans c’est long. Très long. Mon ami Buck 65 a récemment mis sur son site un mini compte-rendu de ses dix dernières années à lui (c’est là que j’ai eu l’idée lumineuse de cette note, si vous voulez tout savoir), et une partie de ces années nous les avons traversées en parallèle, et ma foi ça fait du bien de temps en temps d’arrêter le temps et revenir en arrière et se voir beau et fringant, des rêves plein la tête. Un p’tit con qui n’en savait pas beaucoup plus à l’époque qu’il n’en sait aujourd’hui, et qui n’a pas encore posé son petit train sur des rails (c’est une image hein, n’allez pas imaginer des choses bizarres). Car oui, on est en 2010, mais j’ai pas encore dit mon dernier mot. Dans dix ans, je tiendrai encore ce blog, j’aurai toujours pas compris qu’on pouvait aussi insérer des vidéos et autres objets rigolos interactifs, j’en serai encore à compter mes livres et à me demander s’il ne vaudrait mieux pas que j’aille m’exiler au Guatemala (c’est une île déserte le Guatemala ?) avant que le livre numérique ait raison de ma profession (tu parles).

 

Et je recevrai toujours des mails d’apprentis libraires qui ont tout plein de questions sur le métier et qui trouvent que j’ai le poil soyeux. Allez, on garde le cap, c’est pas si mal finalement le temps qui passe.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
<br /> moi aussi je suis de 77, et moi aussi j'ai commencé dans l'informatique (mais sans costard ni patins à roulettes hein), et j'avais oublié qu'on utilisait napster dans ce temps-là... et puisque je<br /> suis restée dans l'informatique, je vais prendre mon train rambouillet - saint-quentin pour faire une folle journée, sans l'enthousiasme fou des années 2000, et pour la peine je vais lire robert<br /> benchley (psychologie du pingouin -illustré par Trondheim au passage) et me marrer toute seule dans on train, parce qu'il est vraiment marrant benchley...<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> aah, Saint quentin. J'y ai habité (enfin plus ou moins) pendant un an. Ca m'a suffit<br /> <br /> moi j'ai 'Pourquoi personne ne me collectionne', du meme Benchley, et c'est vrai qu'il est rigolo marrant<br /> <br /> <br />
G
<br /> ça dépend ce qu'on appelle le fin fond. Y'a Crozon aussi, mais c'était peut-être pas très imbibé (?).<br /> Sinon, ouais, 10 ans... arrrrrgh.<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> en fait je faisais allusion à mes pellerinages vers Rennes pour les Transmusicales et Saint Malo pour la route du rock<br /> <br /> donc oui, question fin fond c'est pas tres credible<br /> <br /> <br />
B
<br /> " fin fond de la Bretagne" dis donc, tu ne m'avais jamais dit que tu étais un habitué des vieilles charrues! hum hum je t'embrasse<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> j'ai jamais ete tres fort en géo (et brrr les vieilles charrues)<br /> <br /> <br />
B
<br /> il y a 10 ans, ils se retrouvaient au quick et ils parlaient hip hop pendant des heures...<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> pfiou ouais<br /> la honte<br /> <br /> et j'etais encore capable d'endurer 48h de concerts non stop au fin fond de la bretagne au milieu de gens imbibés...suis proche de la retraite<br /> <br /> <br />
P
<br /> Que de débats endiablés sur cette histoire de passage de millénaire !... Mais le plus grave est que 10 ans après ils sont encore un gros paquet à croire que ça s'est fait le 31 décembre 99 à<br /> minuit! Faut dire que les médias ont pas trop cherché à les convaincre non plus. Si c'était une occasion pour vendre plus de champagne, autant avancer la date d'un an...<br />  <br /> <br /> <br />
Répondre