Pif gadget c'etait mieux de toute façon
J’ai un client qui parle beaucoup.
Mais alors, vraiment beaucoup.
Trop, serais-je à même de me dire présentement, malgré toute la sympathie (relative, car bon, c’est aussi un peu un crâneur et j’aime pas trop quand les gens ils crânent) que j’ai pour lui.
En fait, le problème n’est pas tant qu’il parle beaucoup, ça je suis habitué, le contact humain fait partie du boulot, y compris de rebondir sur tout plein de sujets de conversation (ah oui tu as des rats qui jouent dans des tuyaux ? eh beh), sauf que lui, justement, il ne permet pas un seul rebond, c’est le smash direct sans passer par la case départ.
Tout est constamment ramené à lui et ses propres expériences, qu’on parle de sport (« ah oui à l’époque j’enchaînais les matchs, j’étais classé, j’ai même battu un 30/2 un jour »), de loisirs (« ah t’as fait de l’accro branches (oui bon ça va hein, on fait les activités qu’on peut), moi avant j’aurais pu escalader l’Everest à mains nues, mais maintenant je me contente de faire du canoë kayak et de sauver des enfants dans le petit bain de la piscine ») ou de moi (« ouais moi aussi j’aurais pu être libraire, j’ai toujours lu plein de livres, notamment des Mickey Parade pendant les vacances chez ma grand-mère »).
Il n’est visiblement pas au courant des règles de base de la communication orale, qui consistent à faire attention aux stimuli de son interlocuteur .Si je baille, que je regarde mon écran d’ordi ou que je range des livres pendant qu'il parle, c’est rarement signe que la communication passe, mais ça ne l’arrête pas, seule compte sa destinée, et sa destinée c’est de caser un maximum de phrases avant de sortir de la boutique, sans jamais avoir été interrompu.
De temps en temps, cruel que je suis, je tente de le piéger et de lancer des sujets qui le dépassent et auxquels il ne peut s’accrocher, Everest ou pas Everest. Bon, je me fais souvent arroser comme un débutant, car il est plein de ressources et que de toute façon il n’écoute qu’à moitié, donc suffit qu’il reconnaisse un mot dans ma phrase, et c’est parti pour un tour.
Je suis même sûr que là, après qu’il a eu payé ses Bds, il est arrivé à sa voiture, en se parlant à lui-même, s’écoutant à peine, et se disant que mince, j’ai oublié de lui parler de la fois où j’ai joué au tennis contre une panthère des neiges dans le petit bain de la piscine municipale. Ce sera pour la prochaine fois, y’a pas de raison qu’il me pose pas une question sur les panthères, lui qui adore les ânes.