L'artiste de la famille

Publié le par Le libraire en question

Je ferais un très mauvais commercial.

D’ailleurs, je sais même pas pourquoi j’utilise le conditionnel tellement j’en ai eu la preuve empirique par le passé (sic). Je suis super nul pour vendre un truc qui ne mérite pas d’être vendu : j’ai toujours tendance à me mettre à la place de l’acheteur, et en tant qu’acheteur je sais que je n’aurais aucune envie d’acquérir l’objet en question. Donc forcément, je ne suis pas d’une efficacité maximum quand je ne crois pas un minimum en mon produit. Mon tout premier employeur (qui me lit, d’ailleurs, c’est dire s’il fait toujours preuve de bon goût) l’a bien compris, il s’est empressé de me faire remplacer à mon poste de commercial secteur Grande-Bretagne mais, sentant mon potentiel impressionnant, m’a tout de même gardé sous le coude, au cas ou, et bien lui en a pris (oui je sais, ça fait un choc de savoir que je n’ai pas, toute ma vie, été libraire. Je reviendrai sur mon passé un de ces jours, d’ailleurs, j’ai la fibre nostalgique en ce moment).

 

Je pense même que je serais incapable de vendre un réfrigérateur à des nomades dans le Sahara assoiffés de soif (en admettant qu’il y ait des prises dans le désert, mais bon, quand on fait le parallèle avec les esquimaux,  personne ne relève). Ça joue un peu en ma faveur dans mon métier, d’ailleurs, car mes clients savent que si un livre est bon, j’y crois à fond les ballons, et inversement. Disons que j’ai rarement un taux de transformation de la vente très élevé avec un simple ‘moui ça va c’est plutôt pas mal’. Par contre, avec un ‘c’est le livre de l’année’, c’est déjà mieux. Même si au bout de 20 livres de l’année, ça devient suspect comme argument (bon en vrai des ‘livres de l’année’ il y en a 5 disséminés au fur et à mesure, j’y peux rien moi si tous les livres ne sortent pas pile le même jour). D’ailleurs, j’ai parlé ici du Pinocchio de Winschluss ? oui hein ? Bon.

 

Autre chose de plutôt gênant pour un éventuel rôle de commercial, c’est que je n’aime pas me répéter. Pourtant, quand je parle d’une Bd, j’ai pas non plus trente six façons de la présenter et de résumer l’histoire, et je ne m’amuse pas à changer d’arguments par simple plaisir sadique envers moi-même. Sauf que j’ai l’impression étrange que la personne en face de moi est consciente que je récite ma leçon et c’est comme si c’était à elle seule que j’avais répété 30 fois la même chose dans la journée. Alors qu’en vrai, non, je vous rassure.

 

‘fin bon, je caricature, en vrai je transmets mon enthousiasme juvénile avec une efficacité redoutable d’âne-orang-outan et je me force le plus possible à rester naturel comme au premier jour, le trac en moins (il est très impressionnant de pénétrer l’arène de l’autre côté du comptoir, la première fois, qu’on soit habité par la puissance de l’âne (c’est une image) ou non).

 

En tout cas, en parlant de caricature, si le commercial dehors pouvait arrêter de raconter ses vacances à Marrakech en criant bien fort et en riant à des blagues sûrement convenues et pas drôles, ça m’en ferait à moi, des vacances. Surtout que j’y ai droit tous les jours, je suis sûr qu’il tente de me narguer avec son costume en solde mal repassé. Les commerciaux, j’vous jure…

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R
Mouarf...<br /> Le beugleur à portable ne consomme pas de Yop.<br /> Je m'immisce dans la conversation...
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R
Deux choses:<br /> - comme toi, je me dis que je me répète sur mes arguments pour défendre/conseiller un bouquin, surtout quand celui-ci est sorti depuis plusieurs années et qu'il y a une infime chance que la personne en face de moi m'ai déjà entendu m'enthousiasmer dessus...(mais j'ai décidé de m'en foutre vu que c'est la rencontre du lecteur avec le bon bouquin (ou du bon lecteur avec le bouquin, c'est selon) qui compte).<br /> <br /> -Haaaaa, les conversations à tue-tête devant la porte de la librairie réveillent en moi le concept fantasmatique que doit se faire Michelle Alliot-Marie d'un ultra-gauchiste-anarcho-autonome, l'envie de balancer un caténaire à la tronche de ces gougnafiers du portables (en fait, j'ai une technique toute douce pour les faire bouger...).
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L
<br /> tu craches dans leur Yop?<br /> <br /> <br />
G
Jaune de Damas, le frigo... avec ça vous avez des chances de le vendre à n'importe qui.
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C
Je me retrouve tellement dans ces digressions librairesques que des fois ça me fait peur...<br /> Mais quand je doute de ma précoce réorientation dans le plus vieux métier du monde, ça me rassure.<br /> (sauf que mes boulets à moi sont vieux et puent la clope, ha la campagne)
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M
Tu veux dire que tu ne te verses pas une prime pour avoir vendu le plus d'exemplaires de la BD la plus nulle ? C'est ce qui arrive quand on préfère les êtres humains à ce qui les divise...Pour notre libraire-Caliméro (lui aussi â un crâne d'oeuf...), je propose qu'on lui confère le titre de Chevalier Noir (ou de l'oran-outang de l'année, au choix...)
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