Noodle Incident
Ça y’est.
Elle arrive.
Elle pointe son petit nez mutin.
C’est LA sortie tant attendue de l’année.
Oubliez Asterix, balancez Blacksad, brûlez Blake et Mortimer, piétinez violemment XIII, et préparez une haie d’honneur, des pétales de roses dorées parfumées de mille saveurs olfactives imaginaires et un joli arc-en-ciel pour la sortie de l’intégrale de Calvin & Hobbes.
ENFIN !
Alors oui certes, elle est disponible depuis longtemps en anglais, mais tout le monde ne peut pas goûter au génie de Bill Watterson dans sa langue originale à lui. C’est dommage, ça permettrait au monde de me ressembler un peu plus mais bon, j’en ai fait mon deuil. Vous allez surtout pouvoir enfin savourer ces 10 années de bonheur intense de création dans leur ordre chronologique, avec format des pages du dimanche respecté.
Et ça, c’est pas rien.
Tout ça pour dire que, sous mes airs un peu bourrus de jeune ours fragile et gracile à la fois, je me retrouve à sauter dans tous les sens, mi-cabri, mi-pingouin sauteur (j’ai un petit côté gorfou), de nouveau revitalisé par une motivation qui m’épate moi-même (parce que bon, je vous cache pas que le mois de novembre, c’est pas mon pote. Il sert absolument à rien, il m’empêche de voir le soleil et de pêcher à la mouche et je dépense plein de sous (bon ok, dans 60 jours mais bon hein bon) pour des commandes de Noël que je ne vendrai qu’à partir de la mi-décembre. Aucun intérêt. Nul. Zero. Si ce n’est (ça c’est pour voir si vous suivez un peu) la sortie de cette petite merveille qui pèse son poids et qui vous en coûtera 150€, certes, mais qu’est ce que c’est que 150€ de bonheur absolu pour toujours ?
Et ok, oui, je l’avoue, même si je vous bassine en permanence avec mes ‘oui mais les goûts des libraires, on s’en fout, ce qui compte c’est la clientèle blablabla’ et autres ‘il faut soigner son stock, ne pas se laisser aller à l’affect, les chiffres et rien que les chiffres, ce sont eux qui parlent’, bon, ok, oui, là je me suis fait plaisir. J’ose à peine l’écrire mais oui…j’ai…je…comment dire…j’ai surstocké.
Oh ça va hein, ça nous est tous arrivé au moins une fois.
J’ai été raisonnable le jour de la commande, mais je sais pas, une petite voix m’a mordillé l’oreille (je parle de la voix de mon amie Marie , libraire elle aussi) et j’ai craqué, rappelé mon commercial et doublé les quantités. Je suis faible. Ça me perdra. Ça m’a déjà perdu.
Mais on ne parle pas de n’importe quoi là, on parle du livre que j’apporterais avec moi sur une île déserte (j’ai aucune confiance en l’encre électronique au milieu du sable. Qu’on me laisse avec une cargaison de livres physiques palpables qui sentent bon le papier chaud). Ce serait un peu crétin dans la mesure où ce serait super lourd et que faudrait peut-être penser à des vivres, plutôt, mais je m’en fous, je préfère vivre en crétin que vivre sans Calvin & Hobbes.
Car eux et moi vivons une histoire d’amour à trois depuis 25 ans, une histoire d’amour qui, en toute logique, vire à l’obsession mais qui, curieusement, ne déçoit jamais (aimez les livres, plutôt, je vous le dis, moi, laissez tomber les mecs et les gonzesses (ou alors pour du sexe, un peu, de temps en temps, histoire de se souvenir de ce que c’est, et encore)). C’est tellement sensible, intelligent, drôle, fin, intelligent, sensible, drôle, fin, intelligent et sensible que ça en donne le tournis. Vous me verriez, présentement, vous jureriez que je suis profondément amoureux hystérique à me tatouer le nom de ma bien aimée sur l’aine ou me coudre son foulard sur ma poitrine à l’aide de la dernière machine Singer (autant vivre avec son époque). Alors que je suis tout simplement ivre d’encre et de papier, papier imbibé d’une douce nostalgie salvatrice qui me met les larmes aux yeux.
Tentez l’expérience. Commencez à 11 ans comme moi. Ou 12. Ou 13. Ou 25, peu importe. Lisez l’intégrale. Souriez à vous en fendre les lèvres mais quand même pas non plus sinon ça fait mal, surtout l’hiver. Répétez l’opération chaque année pendant toujours.
Vous vous sentez pas mieux, là, franchement ?
On s’en fout pas un peu, là, des Virgin, d’Amazon, de la taxe d’habitation, du chien à sortir, du repas de Noël à se coltiner sa famille éloignée ?
150€, c’est beaucoup d’argent, mais c’est finalement que 12.5€ par mois. Deux fois moins cher qu’un abonnement Internet pour du bonheur exponentiel. Un investissement sans faille.
Et les quantités seront limitées.
Bon ok, pas dans ma librairie, y’en aura une pile gigantesque, mais ça va hein, je viens pas vous dire comment faire vos courses.