Zoom Zoom Zen

Publié le par Le libraire en question

Je ne sais pas pour vous mais moi, la nuit, je rêve.

Je fais des rêves qui m’ont l’air très réels. Ce qui me va très bien, vu à quel point ma réalité ne me parait que trop peu souvent onirique. Elle est souvent ouatée et douce avec des bouts de marshmallows dedans au goût de pâtes de fruits, mais rarement onirique fofolle. Mon espace étant cantonné à l’arrière d’un comptoir et à une réserve trop exigüe pour contenir le mètre soixante huit qui me caractérise (oui, je suis caractérisé par ma taille, c’est comme ça. D’ailleurs vous noterez que je l’écris en toutes lettres, histoire de m’agrandir), il est très rare que ma routine se transforme en aventure singulière.

 

Ça fait même longtemps que personne n’est venu me sortir de ma torpeur routinière pour me forcer à prendre la porte de l’aventure qui fait un peu peur.  Je suis seul avec mes peurs, les loulous, et il n’est pas de carton de retour assez grand pour toutes les contenir. ‘fin bon, on peut être solitaire comme une pierre précieuse sans se sentir seul pour autant, et c’est pas une racine commune qui va venir m’emmerder.

 

Et l’autre nuit, pour me sortir de ma montagne d’arrivages de fin d’année, mon subconscient a choisi de me divertir en me faisant croire, l’espace de quelques minutes, que j’étais un super-héros. Franchement, c’est bon esprit. En plus, il a évité de faire de moi un super-héros qui vole de trop, car il sait que ça me donne des hauts le cœur et que je me réveille tout tremblotant en m’accrochant à ma couette comme une tortue à sa carapace. Bon, à sa décharge, j’ai vu Amazing Spider-man y’a pas si longtemps, ça a dû l’inspirer (plus que le réalisateur et le scénariste réunis, d’ailleurs, visiblement).

Je ne me souviens plus trop ce que j’avais, comme pouvoirs. Je sais juste que c’était le bordel, que ça s’affolait de partout, que les gens criaient dans le cinéma (oui, j’étais un super-héros qui partait se cultiver et se gargariser de cinéma moderne et enrichissant), que clairement il y avait menace sur la ville et qu’il fallait aider les gens normaux. Les gens sans pouvoirs. Les gens chiants comme la pluie qui vont au cinéma pour passer le temps et même pas pour s’instruire, alors même que Pyramide a repris depuis cet été (non, vraiment, je suis fan de Pyramide, son retour est la meilleure nouvelle de l’année avec l’affiche d’Angoulême dessinée par Watterson). Mais des gens attendrissants quand même, qui ont une vie, qui s’agitent de leur côté afin de donner du sens à tout ça et gagner assez d’argent pour acheter le dernier Largo Winch, qui est passé de 12€ à 13,95 en l’espace de 2 ans (oui, ça m’agace), alors quand même.

 

J’en étais où moi, avant d’être de nouveau déconcentrer par ma réalité physique quotidienne ?

Ah oui, je super-héroïsais. J’avais même un costume en lycra des plus seyants. Il faut dire que j’ai perdu un peu de poids depuis que j’ai recommencé à pédaler dans ma vie réelle au milieu des lapinous qui m’accompagnent le long du chemin, gambadant, riant, insouciants à la réalité des moissonneuses batteuses qui sévissent au loin. Bref, j’ai retrouvé mon corps de 20 ans. Et à 20 ans, j’étais pas dégueu, j’aime autant vous prévenir. Le lycra me serait allé à merveille.

D’abord.

 

Et donc, alors que ça s’agitait de partout, que ça criait à l’aide au secours aidez moi  je ne sais pas nager, et alors même que mes amis (et collègues) super-héros se faufilaient parmi  ces mêmes gens histoire de les aider et de combattre le grand méchant (il y a toujours un grand méchant), et que vraiment, j’insiste, mais c’ était un gros bordel sans nom, que ma librairie à coté c’est un champ de pivoines parfaitement ordonné, pendant que des murs s’effondraient et que ça se castagnait, je me souviens clairement d’une chose.

 

D’une chose limpide comme la rosée sur le pare-brise de ma voiture : je lisais.

J’étais immergé dans ma lecture, et absolument rien au monde n’aurait pu me déranger et me déconcentrer (et pourtant, ça bardait). J’étais totalement et pleinement heureux d’être plongé dans un roman, je voyais les lettres danser devant moi et prendre forme, et j’étais submergé d’une parfaite sérénité joyeuse.

 

‘Putain mais qu’est ce que tu fous, tu vois pas qu’il faut se battre ?’, me harcèle ma collègue qui n’a rien compris à rien, soutenant d’une main un mur qui s’effondre tandis qu’elle distribue des sortes de rayons laser de l’autre.

 

Je n’ai pas répondu. Je suis retourné à ma lecture.

 

Je crois que mon subconscient tente de me dire que bon, chacun pour soi et la lecture pour tous, et tout ira bien. Même si le monde s’effondre.

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A
Je compatis, ça doit pas être pratique de bosser dans une remise exigüe.
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L
<br /> Tiens, tiens, faisait longtemps que j'étais pas venu voir par ici, et ça fait bien plaisir de se rendre compte que certaine bonnes choses perdurent.<br /> <br /> <br /> Plein de courage pour cette fin d'année, et plein de plaisir à conseiller nos coups de coeurs !!<br />
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A
<br /> ah oui j'ai vu ça, la brutale inflation sur le Largo, vais peut être m'abstenir, que Dupuis s'en morde les doigts ^^<br />
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M
<br /> Ou "chacun pour tous et la lecture pour soi", au point où on en est maintenant... non, honnêtement, j'ai l'impression que ce qu'on a pu acquérir pour soi comme savoir, il faut le redistribuer (il<br /> m'arrive parfois de me rêver comme ce que vous avez écrit...). Et c'est ça qui devient compliqué : le redistribuer, en donnant quoi à qui ? (vendre quelle bd plutôt qu'une autre à quel client).<br /> Et la tête de tous ces gens que je vois passer derrière mon comptoir, qu'est-ce qu'elle signifie ? Exactement la réflexion que je me fais quand mon train démarre le matin. La seule chose qu'on a,<br /> qui nous rend différent et qui nous donne un poil de capacité à agir sur nos existences, c'est ce qu'on sait... mais qui pour le comprendre ? <br />
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S
<br /> tient je te commanderai bien largo winch tu pourras te faire une marge sur les frais d'envoi :p <br />
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